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DEVONS-NOUS lever à tout prix ?

Lancelot de Boisjolly

Lancelot de Boisjolly

VC scout – SHARPSTONE

Les fausses croyances

Nous avons tendance à associer le succès d’une startup aux différentes levées de fonds qu’elle réussit à faire. Et pour cause, les scale-ups les plus célèbres, affichant les valorisations les plus élevées, sont souvent celles qui ont réussi à lever le plus d’argent.
Par exemple, BackMarket avec comme dernière levée de fonds, 450 M€ pour 5,1 Mrds€ de valorisation, ou encore Doctolib avec une levée de 500 M€ pour une valorisation de 5,8 Mrds€, illustrent bien la tendance.
Pourtant, Luko, un contre-exemple, valorisée à 260 M€ à son apogée après avoir levé 69 M€ depuis ses débuts, a reçu une proposition de rachat à 4€ en décembre dernier. Elle a finalement été rachetée pour 4,3 M€.
Lever n’est pas synonyme de réussite. Bien que les levées de fonds soient de plus en plus médiatisées, certaines choisissent une autre voie : le bootstrap (autofinancement). Un grand nombre de projets peuvent se passer d’effectuer des levées de fonds consécutives pour réussir.

Lever n’est pas une condition pour réussir

En effet, tous les projets n’ont pas besoin de financement dès le départ. Certains réussissent en autofinançant leur croissance : le “bootstrapping”, en générant des revenus dès le départ, et/ou en utilisant d’autres sources de financement non dilutives, en limitant les financements externes.

Trois exemples de succès de startups bootstrappées :

  1. Mailchimp (plateforme d’automatisation marketing & e-mail) : après 20 ans de croissance autofinancée, l’entreprise a été cédée à Intuit pour la somme record de 12 Mrds$, marquant ainsi la plus importante sortie de l’histoire pour une entreprise lancée sans financement externe.
  2. Lemlist (outil d’automatisation de prospection commerciale) : après 3 ans de croissance autofinancée, en 2021, l’entreprise a été valorisée à 150 M$.
  3. MyLittleParis (Newsletter et vente de coffrets) : après 10 ans d’autofinancement a été racheté 65M€ par le groupe aufeminin.com.

 

Ces exemples prouvent que ni le succès, ni la valorisation ne sont corrélés au fait de lever de fonds.
N’est-il pas plus opportun dans certaines situations de se lancer en bootstrap ? Avez-vous réellement besoin de lever des fonds ? Quels sont les inconvénients d’une levée de fonds ?

Lever comporte aussi des inconvénients

Avant d’entamer un roadshow, questionnez-vous : pouvez-vous démarrer sans levée de fonds (et pendant combien de temps) ?

Lever des fonds comporte certains inconvénients :

  1. Defocus du business : c’est une activité chronophage, vous dépensez de l’énergie et passez du temps, loin du business, et sans avoir l’assurance de réussir à lever des fonds. Ce temps ne servira pas à gagner des clients, ni au développement technologique et encore moins à recruter des futurs talents.
  2. Pression pour performer : il existe une divergence entre les attentes de l’entrepreneur et celles des investisseurs. Lever des fonds est un engagement vers l’hyper-croissance, les investisseurs exigent alors des retours sur investissement rapides, ce qui peut entraîner une pression pour performer au détriment de la gestion à long terme. Cela peut impliquer de leur remonter les performances de manière régulière.
  3. Dilution : en échange de l’argent, nous cédons une partie du capital de l’entreprise, et donc le capital des fondateurs. Par conséquent, les entrepreneurs perdent peu à peu la gouvernance après chaque levée.
  4. L’argent le plus cher : l’argent des VCs est souvent considéré comme le plus cher en raison des attentes de rendement élevées (en moyenne 30% !) et des clauses restrictives. N’oublions pas, le meilleur financement est l’argent de vos clients.

 

Des financements non dilutifs (aides, prêts, etc.) peuvent être activés, vous permettant d’obtenir de l’argent sans contrepartie capitalistique.

Certaines levées de fonds peuvent vous faire perdre pied, contrairement à un bootstrapping qui vous permet une vision des dépenses plus frugales : être attentif à chaque dépense et se concentrer sur les achats essentiels peut vous aider à contrôler les coûts et à allouer efficacement les ressources.

Avantages du bootstrapping

Certains entrepreneurs optent pour une activité secondaire, telle que le conseil, afin de soutenir financièrement leur activité principale. Cette approche leur permet non seulement de générer des liquidités supplémentaires, mais aussi de mettre en valeur leur expertise.

Voici les différents avantages d’avancer dans son projet en bootstrappant :

  1. Sélection minutieuse de l’externalisation : choisir des freelances ou des sous-traitants selon les besoins spécifiques et ponctuels peut souvent être plus économique que d’embaucher des employés à plein temps.
  2. Souplesse dans la prise de décision : les entrepreneurs ont la capacité de réagir rapidement aux évolutions du marché et d’adapter leurs stratégies en cas de besoin, sans être contraints d’obtenir l’approbation des actionnaires ou des membres du conseil d’administration.
  3. Priorité accordée aux objectifs à long terme : dépourvus de l’impératif externe de générer des rendements sur investissement à court terme, les entrepreneurs peuvent se concentrer sur une vision durable et long terme au sacrifice du court terme.

Les limites du bootstrapping

Bien que le bootstrapping permette une croissance autonome et saine, il peut également entraîner une croissance ralentie avec des ressources limitées, face à des concurrents qui optent pour des levées de fonds, permettant une accélération importante.

  1. Contraintes de ressources : le bootstrapping implique souvent de travailler avec des fonds limités, restreignant ainsi les investissements dans le marketing, le développement de produits et le recrutement.
  2. Acquisition de clients plus lente : le manque de fonds pour la publicité et la vente peut prolonger le processus d’attraction et de conversion des clients, entraînant une croissance des revenus plus lente.
  3. Concurrence avec des adversaires financés : Dans les secteurs concurrentiels, les startups autofinancées peuvent avoir du mal à rivaliser en termes d’innovation et de pénétration du marché avec des concurrents bien financés.


Dans plusieurs scénarios, certains modèles ne permettent pas le bootstrapping. Tout 
dépend de la complexité pour la startup d’accéder à son marché.

Les startups deeptech, par nature, sont engagées dans des innovations de rupture, visant à surpasser les techniques existantes. Par conséquent, elles rencontrent souvent des défis pour accéder au marché rapidement. Elles ne peuvent donc pas s’autofinancer ni générer de revenus dès le départ et ont un besoin capitalistique fort (R&D, recrutement, capex, etc.).

Par exemple, une BioTech qui doit mener plusieurs essais cliniques avant de pouvoir commercialiser son produit, rencontrera des difficultés, voire même une impossibilité, à se financer par bootstrapping. La levée de fonds est alors parfois nécessaire. Ce sera l’objet d’un prochain article.

Ne l’oublions pas, l’objectif d’une startup n’est pas d’enchainer levée de fonds sur levée de fonds, mais de générer des revenus (et des bénéfices !).
Bien que le bootstrapping ne puisse pas convenir à toutes les startups, il représente une option attrayante pour ceux qui recherchent une croissance plus organique. En fin de compte, le bootstrapping, autrement dit le “système D”, offre aux entrepreneurs la possibilité de démarrer et de développer leur entreprise avec des ressources limitées (faire le maximum avec le minimum), demandant ainsi de la créativité et de l’ingéniosité pour surmonter les défis financiers et se démarquer dans un environnement concurrentiel.

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